Le témoignage de P. 42 ans, prêtre.
Je suis né dans une famille non chrétienne : mes parents ne se sont pas mariés à l’église et ils n’ont pas fait baptiser leurs enfants. La religion était complètement absente et ceux qui du côté paternel, partageaient un peu la foi, n’en parlaient pas. Pour moi, le christianisme se résumait aux cortèges d’enterrement, bien visibles lors des récréations à l’école publique (elle était en face de l’église !). Bref, je ne me préoccupais pas de Dieu, je n’avais pas entendu parler de Jésus-Christ et les chrétiens que je connaissais ne m’en parlaient pas non plus.
Les questions sur Dieu ou sur la foi sont venues quand j’étais en terminale, puis en prépa littéraire. Elles avaient un versant métaphysique : l’étude de la philosophie introduisait à la question de Dieu, à partir de Descartes, de Spinoza, de Kant et de Feuerbach, et je trouvais fascinant que des gens puissent réfléchir sur un objet qui, pour moi, n’avait aucune existence. Elles avaient aussi un versant existentiel : en étudiant l’histoire (une succession de massacres !), je me suis sérieusement demandé comment des hommes pouvaient faire gratuitement le mal à d’autres hommes et quelle pouvait être la solution au mal. Deux événements ont contribué à ces questionnements. L’un, familial : la difficulté à accompagner les malades de la famille (notamment mes grands-pères) m’a fait acquérir la conviction que si on n’aime pas ici et maintenant tous ceux qu’il y a à aimer, ce sera ensuite trop tard. L’autre événement était mondial : les attentats du 11 septembre 2001 ont donné une actualité brûlante à la question du mal.
Je suis devenu catholique au cours d’un séjour d’étude en Autriche, à Vienne. Bêtement, je suis entré dans une église le dimanche, et la première parole que j’ai entendue a été la prière des fidèles « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri. » J’ai été frappé par l’humilité de ces paroles, qui disent à quel point la foi n’est pas un orgueil, mais une quête de Dieu. J’ai alors lutté contre Dieu pendant quatre mois et c’est Dieu qui a gagné : je me rappelle encore le moment où j’ai posé un acte de foi. Je me suis alors rapproché de l’aumônerie de mon école, et j’ai demandé le baptême. J’ai alors vraiment été surpris de l’accueil que j’ai reçu : je ne cherchais que Dieu et j’ai trouvé des frères ! Cette décision en faveur de Dieu, je ne l’ai jamais regrettée : elle m’a conduit au baptême à l’âge de 25 ans, à l’engagement chrétien et à l’ordination quelques années plus tard. Ma conversion n’a guère été comprise dans ma famille, mais je ne les ai pas beaucoup aidés, puisque je n’ai jamais cherché à en rendre compte. Il a fallu du temps pour que mes parents et ma sœur la situent à la juste place, comme un événement qui prend toute la vie, depuis son cœur. En revanche, elle n’a pas été étrangère à la conversion de mon frère qui, quelques années après moi, à son tour, a demandé le baptême.
Pour moi, se convertir, c’est changer d’orientation : de manière simple, avant 2003, je menais ma vie sans Dieu ; depuis 2003, je mène ma vie avec Dieu. En quelque sorte, je me suis décidé pour Dieu et puisque Dieu, c’est plus important que la tarte au citron, je Le mets au centre afin qu’Il irrigue la totalité de ma vie. Depuis vingt ans, je suis d’autant plus encouragé à le faire que je vois à quel point Dieu est capable de travailler dans l’intimité même d’une personne. Cela veut dire aussi que ce qui déploie ma grande conversion initiale, ce sont les multiples conversions, d’année en année, afin que toute ma vie, dans toutes ses réalités, je la vive dans la foi à Jésus-Christ qui m’a aimé jusqu’à mourir pour moi. Mon baptême s’est déployé dans l’ordination diaconale, puis sacerdotale. Je vis donc ma vie de foi comme prêtre diocésain. Ce n’est pas une chose extraordinaire. Ce qui est à la source, c’est la prière personnelle, le cœur à cœur avec ce Dieu tout proche et pourtant insaisissable. Ce qui, chez moi, contribue à cette prière, c’est d’un côté la vie intellectuelle, le désir d’ordonner à Dieu l’intelligence qu’Il nous a donnée ; et de l’autre, la rencontre des personnes qui, toutes, sont sur leur chemin de foi. Ce qui alimente cette prière et l’esprit de conversion, ce sont les sacrements, tant ceux que je célèbre que ceux que je reçois (notamment le sacrement de réconciliation).
Qui est Jésus pour moi ? Mon maître, mon Seigneur, mon ami, mon frère, la Tête de l’Église. Je n’ai qu’un seul mot à lui dire : merci !